L'ESCALADE ARTIFICIELLE

 

Définition de l'artif :

 

Pour s’élever, le grimpeur n’utilise pas ou extrêmement peu les aspérités du rocher. Il le fait au moyen des ancrages placés dans la paroi ou de ceux qu’il aura placés au fur et à mesure de sa progression, puis par des accessoires (sangles, cordelettes, pédales...) qu’il attache à ces ancrages, sur lesquels il s’équilibre, s’appuie et se tire.

 

Ce procédé permet le franchissement de passages dont la difficulté technique, en escalade libre, semble pour le moment supérieur au niveau des meilleurs grimpeurs actuels. Elle permet de passer des zones de rochers fragiles, des dévers importants, des toits ou des plaques lisses seulement parcourues par de fines fissures.
C’est une escalade très technique qui semble aujourd’hui renaître et trouver de nouveaux adeptes. Il faut être rationnel, méthodique et très organisé pour, sans effort démesuré, gérer les manoeuvres de corde et la mise en place judicieuse des accessoires en évitant que le tout ne s’emmêle et ne se coince.
La quantité de matériel peut être très importante et il faut parvenir à la parfaite maîtrise de ses émotions, notamment lorsque la fiabilité des ancrages ou du terrain est très aléatoire…

 

Ce qu'il faut savoir sur l'artif :

 



01 - Les pionniers de l'escalade artificielle :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

L'escalade artificielle a permis de tracer de magnifiques itinéraires sur des parois où l'homme n'aurait jamais pensé s'aventurer. La naissance du piton a donné le goût de la promenade verticale à ces nouveaux aventuriers, ces pionniers de l'escalade artificielle.
Mais après quelques années de pratique, l'escalade artificielle est soudainement remise en cause, la progression est trop lente, trop lourde et le rocher est surchargé de points métalliques... La révolution du chausson et de l'escalade à main nue fait son chemin, le libre fait de la falaise son domaine et l'escalade artificielle s'avoisine à l'alpinisme.
La technique ne disparaît pas, mais elle est utilisée occasionnellement, pour dépanner, pour sortir d’une voie quand ça ne passe plus.

Il ne s’agit plus de servir le libre, de dépanner un grimpeur en difficulté ou d’équiper une voie, mais bien du plaisir à remonter une fissure les pieds dans les étriers et le marteau à la main. Sur les falaises, les hautes parois de préférence, la technique refait surface, autonome.


L'escalade artificielle a toujours eu ses inconditionnels, ses irréductibles, mais elle séduit désormais un plus vaste éventail de grimpeurs : les amateurs de grands frissons, d’aventure, les passionnés de libre désireux de varier occasionnellement les plaisirs. On aime s’essayer à la technique de grand-papa et on s’étonne d’y prendre goût, de découvrir un jeu plus subtil qu’il n’y paraît, un passionnant travail de lecture, de place ment et d’équilibre, une pratique entre bricolage et acrobatie.


02 - Théorie et pratiques :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

En escalade artificielle, l’objectif est de monter, par tous les moyens possibles. Mais s’il n’existe pas de réglementation en falaises, il est une éthique, très forte, du rocher. Le grimpeur se doit donc, avant de forer le rocher, d’en inspecter les aspérités — micro-fissures, gouttes d’eau (toutes petites prises rondes) — et de les utiliser au maximum pour placer les points d’ancrage. Là réside tout l’intérêt de la pratique, toute la finesse du jeu. Passer sans laisser de traces est une des contraintes de l’exercice : le premier de cordée équipe la voie, tandis que le second récupère tous les points métalliques et remonte à l’aide de poignées autobloquantes.
Mais cette théorie n’est pas toujours applicable. L’escalade artificielle distingue trois catégories de pratiques, trois tendances différentes déterminées par le relief de la voie, le type de matériel utilisé et le comportement du grimpeur.

La première, très délicate, peut être qualifiée d’escalade artificielle soft. Elle consiste à progresser uniquement sur des crochets et des coinceurs statiques ou mécaniques. Cette pratique est celle qui demande la plus grande finesse et qui détériore le moins le rocher.

La seconde, qui est aussi la plus courante, se différencie de la première par l’emploi supplémentaire du marteau et par conséquent l’utilisation des pitons, copperheads et plombs.

La dernière catégorie, la plus décriée, consiste à forer le rocher, à l’aide d’un tamponnoir ou d’une perceuse, pour placer les points d’assurance mais aussi les points de progression.
Cette pratique est autorisée, quand il n’y a pas d’autre alternative, sur les parties bombées de grandes parois complètement lisses et déversantes par exemple.

 

03 - Les points d'assurage :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

La panoplie de "l’artificier" est impressionnante. Toute une batterie d’accessoires cliquette à son harnais. Le matériel est spécifique et son utilisation ne s’improvise pas.

Points de progression — mais aussi points de protection pour les plus audacieux, qui les plaqueront sur le rocher avec du ruban adhésif —, les crochets présentent une grande variété de formes. Ils peuvent ainsi être utilisés sur la plupart des aspérités, réglettes, gouttes d’eau, écailles...
Les coinceurs forment une autre grande catégorie de points soft. Comme leur nom l’indique, ces accessoires se posent par coincement dans une fissure du rocher. Placer correctement un coinceur n’est pas une opération facile car il faut choisir le bon coinceur au bon niveau de la voie. Et c’est là que réside la subtilité d’une ascension sur coinceurs, dans l’anticipation des obstacles rencontrés, dans la lecture du rocher depuis le bas de la longueur, au moment de la préparation du matériel.
Les copperheads et les plombs représentent une catégorie particulière de points de progression, entre le coinceur et le piton. Il s’agit de câbles pourvus d’une tête de métal, en cuivre pour le granit, en aluminium pour le calcaire très dur ou certaines configurations de granit, et en plomb pour le calcaire. On les utilise en martelant la boule de métal dans les aspérités du rocher, les gouttes d’eau, les fonds de dièdre ou les fissures bouchées ou pas assez profondes pour être pitonnées.

Planter un piton peut être une opération très simple, à condition de choisir le bon piton et la bonne fissure. Il existe deux types principaux de pitons en acier dur pour les fissures rectilignes du granit, et en acier doux pour les fissures sinueuses du calcaire. La particularité du piton, c’est que l’on détermine à l’oreille s’il est bien placé, et du même coup s’il tiendra en cas de chute — mieux vaut ne pas faire confiance à un piton qui aurait eu une vibration suspecte, une sonorité plus mate sur les derniers coups de marteau... Pour réduire le risque de dépitonnage en cas de chute, le piton doit être martelé jusqu’à l’oeil. Pour des raisons de poids et d’économie de matériel, on ne place pas systématiquement une dégaine rapide — deux mousquetons reliés par une sangle express — dans chaque piton. On va mettre de préférence ce que l’on appelle une cravate, à savoir un anneau de cordelette monté en double ou en tête d’alouette sur le piton et relié à un mousqueton. Il faut ensuite "charger" progressivement le piton, lui faire supporter le poids du grimpeur et observer la façon dont il travaille.

 

04 - Le nettoyage du rocher :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

L’éthique du rocher, ainsi que les impératifs du porte-monnaie, veulent que le second de cordée déséquipe la voie de tous les points métalliques.

Si les coinceurs mécaniques se retirent aussi facilement qu’ils se posent, les coinceurs simples peuvent occasionnellement se bloquer. Il est alors nécessaire d’utiliser un outil adapté, le décoinceur. Il faut parfois s’armer de patience mais l’opération reste simple.

Récupérer un piton bien planté demande un peu plus de méthode. Dans un premier temps, il faut le mettre en mouvement en lui donnant, au marteau, plusieurs coups successifs sur la tête, d’un côté et de l’autre, dans le sens de la fissure. Il faut ensuite l’extraire de son logement, ce qui n’est pas toujours facile sur le calcaire, avec les pitons en acier doux. Pour cela, le grimpeur utilise un outil particulier : le câbe d'extraction. Il s’agit d’une chaîne pourvue à ses extrémités de deux mousquetons. Le premier est passé dans l’oeil du piton, le second sur le marteau. Quelques secousses avec ce dispositif viennent à bout des pitons les plus résistants.

Même si certains le font, il n’est pas conseillé de retirer la plaquette d’un piton à expansion, car elle protège le pas de vis des ruissellements d’eau qui pourraient rapidement le rendre inutilisable. On évite ainsi une multiplication des forages alentour.

 

05 - Portage et hissage :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

Qui dit artif dit forcement masse importante de matériel. Pour répartir sur soi tous les éléments, chacun a ses préférences. Une méthode consiste à disposer les pitons et les petits coinceurs statiques sur le porte-matériel, et les gros coinceurs mécaniques, les mousquetons, les dégaines rapides et le marteau sur le harnais.

Une ascension de plusieurs jours suppose un important supplément de matériel. Le hissage de la charge demande beau coup d’attention et de méthode. C’est le premier de cordée qui effectue cette opération pendant que le second remonte à l’aide de ses poignées autobloquantes. La corde de hissage doit être suffisamment grande, c’est-à-dire qu’elle doit mesurer une fois et demie à deux fois la longueur la plus importante de la voie. Il est conseillé de disposer un matelas en mousse sur le pourtour interne du sac pour en protéger le contenu. Le noeud de la corde, situé à l’extrémité supérieure du sac, peut être protégé par une bouteille en plastique dont on a découpé le fond. Le hissage s’effectue à l’aide d’une poulie, le sac toujours assuré au cours de sa progression par un autobloquant. Pour éviter toute erreur de manipulation, il faut l’attacher systématiquement lorsqu’il arrive au relais. Là, il n’est pas rare d’y rester plusieurs heures.

Un conseil : soyez très organisé, vigilant dans les manipulations de cordes et sachez assurer votre confort.

 

06 - Le pitonnage :

Voir aussi : Amarrages, Pitons & Artif :

Maîtriser un pitonnage est toujours intéressant et utile. Pour cela, la bonne tenue du marteau est essentielle afin d’obtenir une frappe efficace.

Ensuite, sont à prendre en compte les caractéristiques mécaniques du rocher. Les métaux servant à façonner par forgeage les pitons sont choisis pour favoriser sa pénétration et son coincement.

Comme les coinceurs, les pitons ont des formes et des dimensions étudiées pour s’adapter à la largeur et aux profondeurs des fissures. Enfin, pour les placer et les retirer, le dépitonnage étant parfois un sport en lui-même, il faut trouver la meilleure position d’équilibre !

Nature du métal et dureté :

Faits en aciers, quelques-uns sont en alliage léger, leur utilisation est voisine de celle des coinceurs.
En acier doux : Ils se déforment facilement en épousant la forme intérieure de la fissure. Leur extraction est assez difficile, la lame en ressort tordue. Ils sont à réserver aux roches tendres afin de préserver au mieux l’état de la fissure.
Acier dur : Réalisés dans un alliage d’acier au chrome molybdène ils sont parfois traités pour augmenter leur dureté. À utiliser dans les roches dures.